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Aviculture: la filière toujours grippée

Plus d’un an après les ravages de l’épizootie, les éleveurs peinent toujours à se relancer. Les prix du poulet et les œufs grimpent sans cesse, alors que les fêtes de fin d’année approchent

Déjà deux semaines que le commerce de Sandrine G., spécialisée dans la vente des œufs au quartier Nsimeyong à Yaoundé, est fermé. La raison est que le produit est rare. « Il est de plus en plus difficile de trouver des œufs sur le marché. Quand bien même il y en a, ils coûtent très cher », se plaint la vendeuse.  Une conjoncture qui coïncide avec la rentrée scolaire. Dur donc pour cette actrice de l’aviculture. Une filière qui, plus d’un an après les pertes causées par la grippe aviaire, peine à reprendre son envol. Plusieurs initiatives ont pourtant été annoncées pour promouvoir le décollage. Mais, la crise économique qui secoue l’économie nationale et même sous-régionale ne favorise pas la mise en œuvre des mesures édictées.
Naturellement, lorsque les œufs se font rares, les prix de vente explosent. C’est la loi de l’offre et de la demande. Dans les marchés, notamment à Mokolo où sont concentrés plusieurs dépôts d’œufs de table de Yaoundé, « l’alvéole de 60 g coûte actuellement 1700 F, contre 1500 F il y a encore une semaine. L’alvéole de 72 g vaut 2000 F au lieu de 1800 F. Ça grimpe très rapidement ces dernières semaines, parce que les fermes avicoles ferment les unes après les autres et celles qui résistent n’ont pas assez de pondeuses », rapporte l’un des rares grossistes d’œufs, qui fait également de la résistance. Les commandes s’empilent, les détaillants sont aux abois. Car « il n’y en a pas assez pour satisfaire toute la clientèle », se plaint le grossiste. Les détaillants insistent pour s’approvisionner « parce que les œufs se vendent toujours. Même à 100 F l’unité, les gens achètent », avoue l’un.
Dans les commerces, l’œuf est en réalité au bout de la chaîne. Avant, il y a le poulet, également plus cher en ce moment. « Généralement, cette période, considérée comme temps mort parce que la demande est faible, on vend un poulet à 2 000 F, voire 4 000 F quand il est gros. Mais cette année, il faut avoir au moins 3 000 F pour la plus petite bête », regrette une revendeuse au marché Mvog-Ada, réputé pour être la place forte du poulet à Yaoundé. Le calme actuel sur ce site généralement grouillant en dit long.
Côté élevage, l’on assure que c’est l’augmentation du prix du maïs, principal aliment des poulets, est venue porter un autre coup à la filière. Sur le marché, le prix du kilogramme de maïs est effectivement passé de 250 F à près de 300 F en moins de trois semaines. Pourtant, les poussins ne sont plus aussi rares. Certains élevages se sont approvisionnés. C’est dire qu’en décembre, avec les fêtes de fin d’année, il y aura certainement du poulet sur le marché. Mais, à quel prix ?

 

La parole aux acteurs

Laurent Koagne: «J’ai besoin d’un soutien financier pour la relance»

Eleveur

« Ma principale difficulté, c’est le capital. Avec la grippe aviaire, mes économies se sont épuisées. J’avais plus d’un millier de pondeuses qui étaient pour l’essentiel en pleine période de ponte. J’ai bradé les sujets qui étaient à la 86e semaine, au prix de rien. Les autres ont été détruits. Mon capital a subi le coup. Mon banquier est prêt à me donner une partie des fonds pour relancer. Mais, une main tendue est nécessaire. L’activité est tellement difficile qu’on ne peut pas s’engager à 100% dans un crédit entièrement remboursable avec intérêt. Pour demander trois millions, il faut avoir soi-même au moins un million en poche.»

 

Mouafo: «Nous sommes mal organisés»

Eleveur

« La filière avicole est mal organisé. Chacun agit comme il l’entend. Ce qui a pour conséquence de disperser les énergies. Si la corporation était structurée dans l’intérêt de la filière, on s’en sortirait. Je prends l’exemple des  intrants qui actuellement sont excessivement chers. L’impact direct est qu’avec le coût des dépenses, nous produisons un œuf à 60 F pour le revendre à 50 F. C’est la concurrence déloyale qu’il y a entre nous les opérateurs qui impose cette loi du marché. A ces conditions, on ne s’en sort pas.»

 

Jaques Yissom: « Nous attendons une formation »

Eleveur

« Avec la grippe aviaire qui a enfoncé ce secteur, tout le monde constate que l’élevage n’est plus traditionnel comme par le passé. C’est devenu une industrie qui s’effectue à la chaîne. Lorsqu’une ferme est attaquée, c’est toute la filière, tout un secteur économique qui en pâtit. Et paradoxalement, il n’y a aucune formation appropriée pour les acteurs de cette filière. Chacun se débrouille comme il peut, chacun se forme sur le tas. Ce qui n’arrange pas les affaires de cette filière.  Nous attendons une formation des aviculteurs. Sinon, chaque fois qu’un opérateur va faire une erreur dans la filière, c’est tous les aviculteurs qui vont souffrir. »

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Source:Cameroon Tribune, Félicité BAHANE N. | 12-09-2017 18:54